CLAUDE LA CHARITÉ
Estudios Franco-Alemanes 1(2009), 69-89
où les Allemands, comme on le sait, étaient très nombreux. Or, ce traité est à
coup sûr le parent pauvre de l’œuvre de Hutten, si l’on en juge par
l’importance que lui accordèrent les spécialistes tels Kalkoff, Kaegi ou
Holborn
. L’étude plus récente de Peschke, Ulrich von Hutten als Kranker und
als medizinischer Schriftsteller (1985)
, a beau mettre en évidence le substrat
biographique du traité, elle laisse de côté une question qui est, à notre avis,
centrale aussi bien pour l’histoire des idées que pour l’histoire de la
médecine, à savoir le recours à l’expérience pour justifier un nouveau
traitement dans cet âge d’or de l’humanisme médical. Le fait est que
l’humanisme médical, reprenant à son compte, les polémiques de Galien
contre la secte des médecins empiriques, se réclame surtout du
« dogmatisme » ou « rationalisme » d’Hippocrate dans son combat contre les
charlatans souvent considérés comme des empiriques modernes en raison
de leur absence de formation théorique et universitaire, si bien qu’un
médecin comme Symphorien Champier n’hésitera pas à écrire contre les
médecins italiens innovateurs qu’une « seule expérience […] ne fait pas la
science
». La question est d’autant plus intéressante que Hutten est un
authentique humaniste, bien loin d’être un empiriste convaincu qui voudrait
faire table rase de la tradition, si bien que son recours à l’expérience, aussi
curieux que cela puisse paraître, se revêt des oripeaux de la tradition, non
pas celle des Grecs et des Latins, mais celle, exogène, du Nouveau Monde.
Par commodité, nous citerons, dans l’ensemble de l’étude qui suit, la
traduction de Chéradame publiée à Lyon par Claude Nourry en 1528, dans
la mesure où cette édition présente « le meilleur état du texte
».
Ce que fait remarquer fort justement William Kemp, art. cité, p. 164. Paul KALKOFF, Ulrich von
Hutten und die Reformation. Eine kritische Geschichte seiner wichtigsten Lebenszeit und der
Entscheidungsjahre der Reformation (1517-1523), Leipzig, R. Haupt, 1920 ; Werner KAEGI, « Hutten
und Erasmus : ihre Freundschaft und ihr Streit », Historische Vierteljahrscrhift, no 22, 1924-1925, p.
200-278 et 461-514 ; et Hajo HOLBORN, Ulrich von Hutten, Leipzig, Quelle und Mayer, 1929.
Michael PESCHKE, Ulrich von Hutten (1488-1523) als Kranker und als medizinischer Schriftsteller,
Cologne, Forschungsstelle des Instituts für Geschichte der Medizin der Universität, 1985.
En fait, dans ce passage, Champier s’en prend nommément au médecin ferrarais Giovanni
Manardo. Dans le texte latin, on lit : « Experimentum unicum Manardi non facit scientiam. »
Roland ANTONIOLI, Rabelais et la médecine, Genève, Droz, 1976, p. 107-108.
William KEMP, art. cité, p. 189.